Le décret énergétique tertiaire : un pas en avant, deux pas en arrière

Le décret n° 2017-918 relatif aux obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire, après sa publication le 9 mai 2017, vient d’être suspendu par le Conseil d’Etat. Chronique d’une mort annoncée…

Ce décret, discuté et attendu depuis 2010 et la loi Grenelle 2, puis la loi sur la transition énergétique de 2015, devait permettre de mettre en oeuvre l’objectif de réduction de 60% de la consommation énergétique des bâtiments entre 2010 et 2050. Dans la continuité de la loi ALUR portant des dispositions relatives au secteur résidentiel et la copropriété, le décret tertiaire se faisait attendre, mais a été finalement publié in extremis en mai dernier. Dès juillet, à la suite d’un recours déposé par divers acteurs économiques (notamment les secteurs de l’hotellerie et de la grande distribution) le Conseil d’Etat a suspendu en référé le texte et son application, dans l’attente d’une décision ultérieure relative à sa légalité.

Il a été considéré que :
-les acteurs économiques n’étaient pas informés sur les seuils a atteindre alors même que l’obligation de rénovation était dejà connue et en vigueur depuis 2015
-les obligations d’information sur le suivi des objectifs énergétiques en cas de vente, pouvaient en cas de baisse de la valeur vénale d’un actif non conforme, porter gravement atteinte aux intérêts économiques
-le délai prévu par la loi de transition énergétique, soit 5 ans, n’était pas respecté par le décret qui réduisait la première phase à la période 2017-2020

Les mesures-phares sont de fait mises au placard pour une durée indéterminée :
-diagnostic de performance énergétique actualisé annuellement, incluant un plan pluri-annuel de travaux et un plan d’actions
-obligation d’inclure un volet énergétique dans tous les travaux de rénovation entrepris
-réduction de 25% de la consommation d’énergie primaire par rapport à la dernière année de référence (année précédente ou précédent d’éventuels rénovations energétiques antérieurement réalisés)
-suivi annuel de l’objectif
-obligation d’information sur l’objectif et son suivi en cas de vente
-information aux autorités en cas de non-conformité, de la part du propriétaire et, le cas échéant du locataire pour les actions de sa responsabilité

Ce décret, déjà si longtemps attendu, est finalement suspendu pour avoir été publié avec une trop grande précipitation, qui pourrait pénaliser fortement de nombreux acteurs du marché. Ce qui est un comble, étant donné qu’il avait été préparé par les travaux de Grenelle 2 en 2010, et était rédigé dans sa forme (presque) définitive puis debut 2016. La chose pourrait prêter à sourire, si le sujet n’était pas si important.

A trop vouloir aligner la société civile et l’économie sur le calendrier politique, on risque ce genre de mésaventures. Gageons que ce malheureux décret rénovation tertiaire va encore rester un moment dans les cartons… Pourtant, tôt ou tard, le secteur tertiaire de services, étant donné son poids dans la consommation d’énergie primaire, et son caractère essentiellement de « confort » (comparé aux secteurs industriels et du transport), devra aborder ce tournant énergétique. Le résidentiel, son cousin, lui montre déjà la voie.

Sandra Esteves

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