Encore un univers dans lequel il est facile de se perdre si on n’est pas un professionnel. Et pourtant, en tant que maître d’ouvrage, dès qu’on donne un ordre de travaux on devient responsable, et si on achète un bien neuf ou rénové, les garanties sont transférées en l’état. Vous devez donc vous renseigner avant. Voilà un petit vade-mecum des assurances liées à l’immobilier.
LES MULTIRISQUES (MR)
Responsabilité Civile (RC) / Responsabilité Civile Professionnelle (RC Pro) :
Chaque intervenant au titre de travaux ou d’entretien se doit d’être titulaire d’une RC et d’une RC Pro, qui couvrent les accidents ou dégâts causés par son intervention. Un plombier déclenche un dégât des eaux, l’électricien provoque un début d’incendie d’origine électrique, un couvreur fait une mauvaise chute et finit à l’hôpital… Ça arrive rarement, mais ça arrive. Elle est obligatoire pour tous les entrepreneurs et MOE, mais en tant que donneur d’ordre, la loi vous oblige à vous être renseigné avant de signer la commande ou le contrat. Vous ne pouvez donc pas vous abriter derrière votre ignorance, et vous n’aurez aucun recours en cas de sinistre. Il faut s’assurer que les montants des garanties soient cohérents avec l’enjeu du chantier, que les dommages aux ouvrages existants sont prévus, pour éviter là encore les mauvaises surprises…
Multirisques (MR) :
Propriétaire ou locataire, vous avez l’obligation de souscrire une assurance qui couvre les risques divers liés à l’exploitation d’un bien. Cette assurance dépend de la surface, de la destination du bien, de sa valeur estimée en cas de destruction, et de la valeur des mobiliers et marchandises qui s’y trouvent. Les administrations, les compagnies d’assurances et certaines autres sociétés bénéficient d’un droit à s’auto-assurer. Dans ce cas, elle doivent fournir une attestation d’auto-assurance, et en cas de sinistre, les frais sont à leur charge.
Catastrophes Naturelles (CatNat) :
Les garanties catastrophes naturelles sont intégrées dans les contrats multirisques habitation et véhicules, mais font l’objet de règles de financement et de prise en charge très spécifiques, strictement encadrées par le législateur. Le droit à la prise en charge, les règles de contradiction et même les franchises applicables sont régies par des arrêtés interministériels, et des dispositions particulières du Code des Assurances.
Si le traitement de ces sinistres est souvent long, les obligations de l’assureur sont précises quel que soit le contrat signé.
Tous Risques Chantier (TRC) :
En cas de travaux, le MOA ou le MOD (voir article travaux) souscrit une police multirisques spécifique. Un camion de livraison rate sa marche arrière et finit contre un pilier, des gravats ont été envoyés discrètement dans les toilettes et ont bouché les évacuations d’eaux usées. Cette police couvre ce qui n’est pas lié directement à une mauvaise intervention, ce qui est lié à un tiers identifié non inclus dans le chantier, ou ce qui est dû à un tiers non identifiable. Elle n’est pas obligatoire, mais vivement recommandée en cas de chantier important ou à risques accrus. Son prix dépend d’ailleurs de ces deux facteurs.
LES GARANTIES APRES TRAVAUX. Le point de départ de toutes ces garanties est le PV de réception contradictoire, qu’il faut donc signer en toutes circonstances avec l’entreprise qui a réalisé les travaux
Garantie de parfait achèvement (GPA) :
C’est la garantie légale d’un an, qui couvre l’ensemble des ouvrages réalisés, pièces et main d’oeuvre inclus. Attention, elle ne couvre que ce qui n’était pas visible lors de la réception des travaux, celle-ci doit donc être faite avec soin ! Le MOA a un an pour déclarer aux concernés tous les désordres, et en théorie la retenue de garantie de 5% assure que l’entreprise concernée reviendra terminer le travail. Dans la pratique, le suivi est lourd, les négociations sont âpres, et le dossier doit être documenté rigoureusement, pendant un an et au delà. Souvent les MOA délèguent à un tiers le suivi de cette mission, notamment en cas de gros travaux. Tous les recours ultérieurs se préparent ici, d’autant que les autres garanties (moins étendues) ne commencent qu’après la fin de l’année de GPA.
Garantie biennale (GBF)
C’est la garantie de « bon fonctionnement » de deux ans, qui couvre les équipements, mobiliers, revêtements, réseaux, ouvrants (en général tout élément dissociable de l’ouvrage, même si la loi ne donne pas de liste exhaustive). Elle prévoit le remplacement à l’identique, inclus les éventuels travaux nécessaires à ce remplacement, et une fois les travaux terminés la garantie recommence (attention aux traces !). La couverture par assurance n’est pas obligatoire, le MOA/MOD ou l’entreprise peuvent choisir de prendre le risque à leur charge, c’est donc avec les concernés qu’il faut se mettre en rapport dans ce cas. Dans les deux cas, la réponse doit être donnée dans un délai de 60 jours. Au delà, l’assurance est réputée couvrir, et hors assurance, il vous reste la solution judiciaire.
Garantie décennale (RCD)
Cette garantie est obligatoire et prévue par la loi pour tous les travaux qui peuvent affecter l’impropriété à destination ou la sécurité de l’ouvrage. De façon générale, tout ce qui concerne la structure, le clos-couvert, la sécurité, le chauffage, l’étanchéité, pendant 10 ans. Demander une attestation d’assurance décennale en vigueur à la date de démarrage des travaux est donc impératif, en toutes circonstances : si l’entreprise peut disparaître, l’assurance reste bien souvent. Si l’entreprise qui a réalisé des travaux n’est pas assurée, la responsabilité du représentant légal peut être recherchée à titre personnel, mais seule la voie judiciaire est alors possible.
Cette garantie a une particularité : la charge de la preuve est inversée. Ce jargon signifie que vous n’avez pas besoin de démontrer une faute, la prise en charge vous est due si le désordre et son caractère décennal sont avérés. C’est au titulaire de la garantie décennale, s’il veut dégager sa responsabilité, de démontrer la faute d’un tiers.
Assurance Dommages-ouvrage (DO)
C’est l’assurance du maître d’ouvrage, réputée obligatoire, même si l’absence d’assurance n’est suivie d’aucune sanction dans la pratique. Elle préfinance les travaux qui seraient nécessaires, en garantie décennale uniquement. Ce n’est pas une garantie totale de 10 ans, inutile de déclarer vos désordres esthétiques à la chaîne.
Là encore, vous n’avez pas la charge de la preuve d’une faute, autre que le désordre et son caractère décennal. L’assureur DO prend en charge les travaux, et par subrogation exerce directement les recours nécessaires contre les intervenants du chantier et leurs assureurs.
Les sinistres en assurance DO sont l’objet de dispositions très spécifiques, bien différentes du déroulement des sinistres en assurance multi-risques.
Pour tous ces recours après travaux, il vous faut impérativement un PV de réception de travaux, malheureusement trop souvent négligé.
En tout état de cause, un bon historique peut faire la différence, un dossier solide permet d’optimiser ses chances de prise en charge amiable, et dans le cas contraire, de préparer un recours judiciaire dans les meilleures conditions. Souvent, vos interlocuteurs font eux aussi leur calcul de risques, et se montreront d’autant plus accommodants qu’ils vous voient rigoureux et formaliste…
Sandra Esteves
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