Les prestations de maintenance ou travaux sont souvent réduites à leur coût, et donc prévues a minima. C’est une fausse économie, qui finit la plupart du temps par revenir bien plus cher que ce qu’on avait prévu, les contrariétés en plus. Tout ce qui n’est pas programmé coûte plus cher, car réalisé après la mise en concurrence, voire dans l’urgence. On se retrouve alors à choisir entre faire partiellement à un coût raisonnable, ou tout faire hors budget.
Il ne s’agit pas ici de déclarer que le plus cher est le mieux, mais d’expliquer les enjeux au delà du prix, et d’appeler les donneurs d’ordre à élargir leur perspective. Le coût vient à la fin du processus de décision. Il est vrai que, faute de maîtriser l’aspect technique d’un dossier, on aura tendance à privilégier ce qu’on comprend mieux, car les chiffres sont universels. C’est pourquoi, quand c’est nécessaire, il est indispensable de se faire assister par un professionnel compétent.
Voici les étapes clés du processus d’achat :
1 Cahier des charges (CDC) :
Tout d’abord, on croit souvent qu’il suffit de demander des « devis », puis de prendre le moins cher. C’est l’erreur à ne surtout pas faire, car chacun pense et chiffre différemment un chantier : impossible de comparer le prix des carottes et celui des poireaux, en quelque sorte. Pire, il est très facile, avec une offre réduite mais peu détaillée, d’être le moins disant ; les prestataires sincères qui chiffrent en transparence sont à ce stade toujours pénalisés, car ils ont tout prévu. Les autres comptent sur les TS (travaux supplémentaires) ou devis… établis après la signature du marché.
La bonne démarche consiste à définir en premier lieu la prestation que vous souhaitez. Technicien ou pas, même si on ne maîtrise pas les termes techniques, on doit établir un cahier des charges fonctionnel écrit, auquel les entreprises doivent se conformer. Vous devez décider par vous-même si vous voulez une baignoire en fonte ou en acrylique, un parquet ou un carrelage, des fenêtres en bois ou en PVC. Si le sujet devient technique, un maître d’œuvre peut s’en charger avec vous. Ce cahier des charges, une fois annexé au marché, engage les prestataires en cas de désaccord sur ce qui devait être réalisé.
2 Obligations et contraintes :
Les corps de métiers sont soumis à des réglementations et des règles de l’art (normes, DTU, réglementations liées à l’exploitation), auxquelles ils doivent se conformer. Ces obligations couvrent les travaux, mais aussi les besoins d’entretien ultérieur. Cependant, cette contrainte est toute relative, car certaines prestations peuvent être proposées après la mise en concurrence, sous forme de devis séparés qu’il ne reste plus qu’à signer…
Il est donc dans votre intérêt de vous assurer que les contraintes et obligations sont prévues dès le départ, votre bon sens vous guidera en partie. Envisagez l’accès ultérieur à un ouvrage encastré, la remise à niveau d’un tableau électrique en cas de travaux sur la distribution, le calcul structurel qui doit être fait si vous démolissez ou percez un ouvrage porteur. Il n’est pas simple de tout prévoir, surtout dans le domaine technique, votre MOE est là pour ça et précisera les textes de référence dans le cahier des charges. Ne restez jamais seul si vous êtes dépassé par le sujet, c’est votre intérêt le plus évident.
3 Ajustements :
Il faut ensuite laisser la part aux observations pertinentes des professionnels. C’est le moment de dialoguer avec les métiers, de les laisser formuler leurs remarques (ce qui n’empêche pas de vérifier avant de se décider) et, au besoin, d’adapter ensuite le cahier des charges pour tous.
La prestation à ce moment là est uniforme pour tous, globalement complète, chiffrable, et l’augmentation annuelle peut être valorisée (dans le cas des contrats).
Dossier administratif :
Cette étape est le plus souvent ignorée, et pourtant elle est une des clés de vos recours ! Le législateur, pour faire évoluer les pratiques dans un secteur qui a longtemps été mauvais élève dans les domaines de la sécurité et de la responsabilité sociale, tend de plus en plus à impliquer les donneurs d’ordres. Vous devez demander a minima, et sans exception :
-un KBis ou tout justificatif d’immatriculation
-les attestations d’assurance (RC et RC Pro, biennale, décennale si besoin, voir article sur les garanties)
-l’attestation de vigilance URSSAF, obligatoire à partir de 5000 euros depuis le 1er janvier 2015. Son absence peut vous désigner comme coresponsable des fraudes en tant que donneur d’ordre, et solidaire des sommes à payer !
-l’habilitation à exercer dans le cas des professions ou marchés réglementés
Analyse des coûts :
A cette étape, vous avez pu déjà écarter certaines entreprises, il vous reste maintenant à comparer les offres réalistes et sérieuses.
En dessous d’un certain montant (étant donné le prix de la main d’œuvre et du matériel), il est impossible que le travail soit fait correctement. La situation dans ce cas est simple, l’un des deux doit perdre, et on doit se demander pourquoi on paie : une prestation (qui ne peut pas être faite dans les règles de l’art, sauf à perte), ou un coupable ? Chacun des acteurs du monde du bâtiment doit faire preuve de responsabilité en la matière, pour conserver un espace de travail serein et respectueux, et des résultats positifs.
Une fois posé ce point, il suffit de comparer, comprendre les différences, et choisir celui qui a le mieux compris votre besoin en restant dans les prix du marché.
On peut résumer la démarche d’achat technique en cinq étapes :
1 définition des souhaits
2 définition des obligations
3 échange avec les métiers, et éventuelle adaptation du cahier des charges
4 validation des dossiers administratifs
5 comparaison des offres valides et réalistes, décision
Ce processus est votre passeport pour la tranquillité :
Parce que vous avez filtré les offres sérieuses et pertinentes, au fur et à mesure des étapes, le facteur prix étant conservé à sa juste place.
Parce qu’alors, il vous reste à vous concentrer sur la bonne réalisation de vos travaux ou de votre prestation. Ce qui est déjà une charge de travail suffisante, si on veut le faire bien.
Sandra Esteves