Le 11 mars dernier a été publié un décret qui fera sans aucun doute parler de lui dans le secteur résidentiel locatif. Le décret n° 2017-312 du 9 mars 2017 modifie les caractéristiques du logement décent, créé par la loi SRU de 2000. Mis en application entre janvier et juillet 2018, il doit être anticipé dès maintenant par l’ensemble des bailleurs. De quoi s’agit-il ?
Tout d’abord, la définition du logement décent s’applique quel que soit le mode d’occupation : nu, meublé, colocation, et même location de chambre chez l’habitant. L’obligation est permanente, et s’applique même après la signature d’un bail. Elle est d’ordre public, non dérogeable, ce qui signifie qu’un accord même écrit du locataire n’a aucune valeur. Autant dire qu’il est difficile pour un bailleur d’y échapper.
Le décret ajoute une catégorie donnant les caractéristiques du logement décent, et en modifie substantiellement une seconde, par rapport à la version actuelle de 2009. Tout logement ne satisfaisant pas ces critères est considéré comme indécent, et ne peut être proposé à la location. Les locataires bénéficient de droits étendus dans cette situation, comme la mise en conformité immédiate, des dommages et intérêts, le relogement pendant les travaux, une baisse de loyer, le remboursement du manque à gagner en allocations. Ce texte mérite donc l’attention de tous les bailleurs et des professionnels de la rénovation.
Les modifications :
-la notion de logement « énergétiquement décent » est introduite. Jusque là, les textes prévoyaient la « performance énergétique », mais le législateur franchit une nouvelle étape en imprimant ce volet selon la méthode du pochoir : finie l’amélioration proposée par incitation, dorénavant la non prise en compte ouvre, de fait, la possibilité de sanctions (y compris pénales en cas d’accident)
-la nouvelle catégorie, applicable en métropole à partir du 1er janvier 2018, impose une étanchéité à l’air correcte du logement concerné, avec la création d’un nouvel alinéa 2. Cette nouvelle disposition s’applique pour toutes les parois et ouvertures donnant sur l’extérieur ou sur des locaux non chauffés : portes, fenêtres, cheminées, parois, planchers.
-l’alinéa 5 devenu 6, applicable au 1er juillet 2018, accroît et précise les obligations relatives à l’aération. Ce terme, techniquement imprécis, est devenu obsolète au regard des évolutions techniques et réglementaires en thermique du bâtiment, et pose des difficultés d’application concrètes. Le renouvellement de l’air et l’évacuation de l’humidité sont clairement mentionnés dans cette nouvelle mouture.
Dans la pratique ?
Les minimas à respecter ne sont pas précisés dans le décret. Cependant, ces deux obligations renvoient de façon évidente aux éléments correspondants de la Réglementation Thermique qui servira, en toute logique, de référence pour les niveaux de performance. Cette disposition vient renforcer la RT, d’application aléatoire en rénovation, en créant une obligation juridique forte pour les propriétaires bailleurs sur le parc immobilier existant. Le législateur parie sur le locataire comme organe de contrôle et d’alerte.
Cette obligation s’étendra nécessairement aux représentants du propriétaire (administrateurs de biens, agents immobiliers) et aux professionnels de la rénovation (entreprises du bâtiment, maîtres d’oeuvre), dont la responsabilité pourra être engagée par effet « domino ». Déjà, au regard de l’enjeu financier, la plupart des compagnies d’assurances ont introduit une clause dans les contrats des professions du bâtiment, excluant toute garantie en cas de non-respect de la réglementation thermique. Il est donc urgent pour toutes ces professions de se pencher sérieusement sur le volet thermique, qui est aujourd’hui le parent pauvre du bâtiment, trop souvent délaissé au profit de la fonctionnalité, l’esthétique, le prix, et même la faisabilité technique.
Un dernier point est à souligner. L’énergétiquement décent est défini indépendamment du « coût de l’énergie ». Ceci souligne une fois de plus l’abandon du critère de performance énergétique, pour s’orienter vers quelque chose qui ressemble beaucoup à de la responsabilité économique et sociale. Inutile donc de s’abriter derrière un DPE performant, ce serait inutile. En tout état de cause, le DPE en l’état actuel est un outil très relatif pour évaluer ou comparer la performance effective, à cause des variations des règles de calculs selon les biens concernés et leur usage, notamment dans l’existant. On peut imaginer que, dans un futur plus ou moins proche, le DPE location soit étendu pour répondre aux critères de ventilation, ou qu’un nouveau diagnostic technique soit rendu obligatoire. C’est déjà le cas dans le neuf, avec le certificat d’étanchéité à l’air, et on a bien vu que la réglementation dans l’existant finit toujours par suivre le même chemin, en différé.
En conclusion : les problématiques thermiques et énergétiques se sont invitées il y a 10 ans dans la loi et les réglementations. Elles sont là pour durer, et l’enjeu juridique financier pour tous les acteurs du secteur ne pourra plus être ignoré bien longtemps. Les pratiques doivent évoluer, et ce dès aujourd’hui.
Legifrance, lien vers le décret
Sandra Esteves
Mise à jour : décret abrogé en 2019